20/12/23
Initially published on AGEFI
Notre monde est en perpétuelle mutation. Ces changements se produisent aujourd’hui à un rythme jamais vu auparavant tant au niveau technologique qu’au niveau réglementaire. Cette situation évolutive génère de nouveaux défis pour les entreprises et leurs dirigeants, l’objectif étant d’assurer à la fois, une pérennité sur le long terme et la production de valeur attendue par les actionnaires sur le court terme.
L’anticipation, l’analyse des risques futurs et l’identification des actions pour les mitiger deviennent donc un enjeu clef pour les organes de gouvernance des entreprises. A titre d’exemple, la pandémie Covid et le conflit actuel en Europe de l’Est nous rappellent que les risques liés à la vulnérabilité de la chaine d’approvisionnement mondiale n’avaient pas été anticipés.
Parallèlement, les entreprises doivent gérer les risques existants en intégrant dans leurs analyses, leur évolution et leur potentielles mutations. Nous pourrons citer ici l’exemple du défi du financement des retraites qui fut jusqu’ici principalement un sujet étatique et qui commence à s'implanter dans la sphère de l’entreprise, avec une émergence des risques « Employee Benefits » dans les captives européennes.
Il est donc primordial pour les dirigeants de définir et prioriser quels seront les risques de demain, émergents ou non, afin de planifier les stratégies et actions pour s'en prémunir.
Tout d’abord, les risques climatiques, connus de longue date, voient leurs survenances et leur sévérité s’intensifier au fur et à mesure que le climat évolue, au point que la question du financement des risques « Catastrophes Naturelles » devra se poser dans les prochaines années. Ces risques seront-ils encore assurables dans le futur, compte tenu de la disparition progressive de l’élément aléatoire qui prévaut dans la définition même de l’assurance ? Les entreprises devront certainement anticiper et trouver des solutions pour se couvrir face à ces risques et pour faire face aux réglementations qui vont en découler.
Le changement climatique et les différents régulateurs créent de nouveaux challenges environnementaux pour les entreprises. Ces dernières sont de plus en plus exposées aux risques ESG et doivent travailler sur la réduction de leur impact sur l'environnement. Les réglementations s’intensifient et imposent aux entreprises de faire évoluer leur communication avec les différentes parties prenantes. Ces nouveaux acteurs ont désormais un impact significatif non seulement sur la performance financière mais aussi sur la réputation et la durabilité à long terme des sociétés. La complexité de ces nouveaux risques réside dans leurs interconnections accrues par une multitude de variables à prendre en compte.
Les risques environnementaux (E), font déjà l’objet de nombreuses études. Les entreprises naviguent déjà depuis quelques années dans un paysage réglementaire en évolution rapide. A moyen terme, d’autres risques en lien avec le changement climatique pourraient apparaitre.
Les unités de production pourraient être directement impactées par des conditions climatiques changeantes comme la montée des eaux, la hausse des températures ou bien encore l’assèchement des sols ou leur appauvrissement. Dès lors, les entreprises pourraient considérer la relocalisation de leur production dans des zones considérées comme moins risquées. L’avènement de conflits en lien avec les aléas climatiques pourraient aussi contraindre des multinationales à revoir leur implémentation géographique. Ce changement de localisation pourrait entrainer des coûts significatifs mais maitrisés et mesurables comparés à des aléas climatiques pouvant avoir des impacts financiers difficiles à évaluer.
Pour les parties “S”et “G”, les risques doivent être considérés et adaptés en fonction des situations. Certains risques comme le risque réputationnel, peuvent être significativement impactés par les attentes des parties prenantes en matière de diversité, d'inclusion et de culture d'entreprise. A cela s’ajoutent les risques liés à la santé au travail, qui évoluent avec nos modes de vie et la remise en cause de certains modèles par les nouvelles générations souhaitant une évolution des habitudes et des conditions de travail. D’ailleurs, les entreprises sont d’ores et déjà confrontées à des risques liés à la santé mentale et à la sécurité au travail. A cela s’ajoutent des contraintes réglementaires et des attentes toujours plus fortes en matière de durabilité et de responsabilité sociale et sociétale.
L’avènement des risques liés à la communication de l’information s’impose comme un nouveau casse-tête tant pour les responsables de la sécurité informatiques que pour les assureurs. Depuis quelques années, le risque « cyber » a fait une entrée fracassante dans le top 3 des défis à venir, selon notre étude réalisée auprès des dirigeants et des responsables des risques des grands groupes internationaux. L’évolution vers un monde digital entraine une augmentation des risques en lien par exemple avec l’éthique et la confidentialité des données. De nouveaux risques non encore identifiés vont apparaître au fur et à mesure de la montée en puissance de l’intelligence artificielle et de l’automatisation des tâches. L'adoption croissante dans nos vies de ces technologies va générer des risques autour des biais algorithmiques et des créations de contenus corrompus. Ces défaillances techniques entraîneront des conséquences néfastes et des préjudices contre lesquels il faudra envisager des couvertures assurantielles. Ainsi les entreprises devront s'adapter rapidement aux nouvelles technologies émergentes, tout en minimisant les risques associés à une adoption prématurée ou à une négligence des normes de sécurité.
Dans un monde où la pression énergétique et l’approvisionnement en matières premières génèrent une augmentation des tensions commerciales et de l’instabilité géopolitique, les entreprises se verront de plus en plus exposées à des risques de rupture de la chaîne d‘approvisionnement, comme nous l’a rappelé le Covid. Dans d’autres situations, les risques de nationalisation des outils de production ou des pertes d’exploitation sont aussi à évaluer.
En plus de ces risques difficilement maîtrisables, le renforcement constant des exigences réglementaires par la communauté internationale, et plus particulièrement dans l’Union Européenne, entraine des risques de conformité, ainsi que des risques de réputation qui prendront une place de plus en plus importante dans les cartographies des risques des entreprises.
Face à ces enjeux stratégiques, des partenaires s’impliquent et développent des solutions pour accompagner les entreprises dans la prise en compte de leurs problématiques présentes et futures.
Les assureurs investissent considérablement dans l'analyse des risques pour mieux comprendre les implications et les conséquences des risques émergents. Ces investissements incluent l'utilisation de modèles de données avancés, de l'analyse prédictive et de la modélisation de scénarios pour évaluer les impacts potentiels. Les assureurs mettent aussi en place des partenariats stratégiques avec des experts dans différents domaines, tels que les nouvelles technologies, la science et la collecte de données qui permettront de renforcer leur expertise en matière de gestion des risques émergents.
Ces initiatives permettent aux assureurs de proposer des produits innovants pour répondre aux nouveaux besoins de couverture liés aux risques émergents. Cela peut inclure des polices d'assurance paramétrique pour les catastrophes naturelles ou des produits cybernétiques pour les risques liés à la sécurité informatique. Les assureurs peuvent aussi faire appel à la réassurance ou à la coassurance pour partager le risque. Ces nouvelles offres peuvent aussi s’accompagner de schémas assurantiels structurés et complexes impliquant une titrisation de certains risques (par exemple les « Cat Bonds » ou les ILS).
Toutefois le marché de l’assurance traditionnelle fait également face à certaines limites. Les assureurs doivent trouver à court terme des solutions pour des risques à développement long, tout en proposant un équilibre entre une tarification crédible et un niveau de couverture acceptable. En effet, la gestion de leur solvabilité et la réglementation les poussent parfois à limiter leur exposition. La préservation de ce modèle économique entraine des ajustements sur les portefeuilles de risques avec une révision des limites de couverture et des primes pour mieux refléter la réalité des risques souscrits.
Ces situations poussent les entreprises, en plus de leurs assurances traditionnelles, à trouver de nouvelles solutions pour couvrir leurs risques en prenant en considération les potentiels impacts financiers non couverts ou trop chers à couvrir. Il convient alors pour les entreprises de trouver des solutions, soit en interne avec la constitution d’une captive de réassurance soit en externe, en envisageant de mutualiser le risque en adhérent à une mutuelle collective.
Les captives d'assurance et de réassurance peuvent jouer un rôle important pour aider les entreprises à gérer leurs risques de manière personnalisée et efficace. Pour rappel, la captive d'assurance est une entité d'assurance détenue et contrôlée par une entreprise ou un groupe (industriel ou financier) pour assurer ses propres risques. Dans ce contexte évolutif et instable, la captive propose des perspectives avantageuses.
D’une part, la captive, du fait de sa flexibilité, peut s’adapter relativement facilement à de nouveaux risques. En effet, elle peut être configurée pour couvrir des risques spécifiques qui ne sont pas couverts par le marché traditionnel de l'assurance ou dont la tarification les rend peu attractifs. Une captive bien structurée peut offrir des couvertures sur mesure avec une tarification adaptée tout en centralisant un risque réparti géographiquement mais sans possibilité de couverture par un assureur unique, et le cas échéant, le céder sur le marché de la réassurance.
D’autre part, la captive présente un réel intérêt financier. Si les captives ont par le passé eu pour moteur un intérêt fiscal, désormais, elles sont un outil à part entière de la gestion du risque. Cet aspect est par ailleurs particulièrement vérifié par les autorités de contrôle avant l’octroi de la licence. Les captives offrent aux groupes un meilleur contrôle sur leurs coûts liés à l'assurance, permettant de rediriger une partie substantielle des primes payées historiquement à des assureurs externes vers la captive. Les groupes peuvent de ce fait gérer plus directement les flux financiers liés aux sinistres et la partie de la prime d’assurance résiduelle (c’est-à-dire après déduction des coûts des sinistres et de gestion) permet de constituer des réserves techniques supplémentaires (via la provision pour fluctuation de sinistralité au Luxembourg ou la provision de résilience en France). Cet avantage permet aux groupes de s'assurer une protection financière sur le long terme et de lisser les fluctuations de coûts liés aux sinistres dans le temps.
Une alternative permettant de couvrir des risques à fort impact financier mais limitée à une industrie/secteur spécifique réside dans la création d’une mutuelle d’assurance collective pouvant regrouper les acteurs d'un même secteur d’activité souhaitant mutualiser un risque entre eux.
Généralement les entreprises utilisant une captive ou adhérant à une mutuelle adoptent une approche plus proactive en matière de prévention des risques. Plutôt que de transférer les risques à des tiers assureurs, les entreprises sont incitées à mettre en œuvre des stratégies de prévention et de gestion des risques pour réduire la survenance des sinistres et donc les coûts.
La constitution d’une captive implique des responsabilités complexes en matière de réglementation, de conformité et de gestion des risques. Les entreprises envisageant d’emprunter ce chemin doivent travailler en étroite collaboration avec des experts en assurance, des conseillers juridiques et des professionnels de la gestion des risques afin de s'assurer que la structuration proposée et les programmes d'assurance seront adaptés à leurs besoins, tout en respectant les réglementations en vigueur.
Au sein de l'Union Européenne, le Luxembourg, l’Irlande, Malte ont transposé la Directive Européenne et sont devenus des centres d’excellence dans la gestion des captives. Plus récemment la France vient d’adopter un cadre pour faciliter l’implantation des captives tout en limitant dans un premier temps les avantages de la captive à certains risques et certains secteurs d’activité.
Avec des innovations technologiques permanentes, des contraintes réglementaires accrues et un environnement mondial incertain, transformer les risques en opportunités devient un facteur clef de succès pour les Directions de Risques et les Directions Financières. Certains risques doivent être couverts pour éviter la mise en danger de l’entreprise à moyen terme alors que d’autres risques, s’ils sont pris en compte de façon prospective, peuvent se transformer en réelle opportunité. Les défis ESG sont un bon exemple de ces opportunités potentielles futures. En adoptant une approche proactive en matière de gestion des risques ESG, en intégrant ces considérations dans leur stratégie, leur gouvernance et leurs opérations, les captives peuvent contribuer à améliorer la durabilité, la résilience et la performance globale d’un groupe dans un contexte parfois peu lisible.
Pour le reste, le choix de partenaires de confiance, l’accès à la réassurance ou la création d’une captive avec toutes les actions qui en découlent, restent les moyens les plus adaptés pour accroître la flexibilité et améliorer la gestion des risques.